Les interactions entre facteurs abiotiques (comme le climat) et biotiques (comme les agents pathogènes) sont à l'origine d'un processus de dépérissement impactant particulièrement les plantes pérennes dans le contexte du changement climatique. La viticulture mondiale est largement impactée par ce processus, notamment du fait de maladies du bois qui pèsent lourdement sur la longévité des vignobles. Parmi ces maladies, l'esca se distingue comme l'une des plus préoccupantes. Cette maladie vasculaire résulte d'une association complexe de divers agents fongiques et se caractérise par l'expression de symptômes foliaires. Ses déterminants sont toutefois largement méconnus. Ici, nous proposons d'étudier le rôle d'un ensemble de facteurs, notamment climatiques, sur l'incidence de l'esca, à de larges échelles spatiales et temporelles, en utilisant les outils de la modélisation statistique.
Pour étudier la dynamique intra-saisonnière de l'esca ainsi que l'incidence annuelle des symptômes en relation avec le climat en France, deux types d'approches de modélisation ont été utilisées, toutes deux reposant sur les variables climatiques de la base de données SAFRAN (Météo-France) estimées sur des mailles horizontales de 8 x 8 km. D'une part, une étude des observations de symptômes foliaires de l'esca sur 50 parcelles plantés avec 11 cépages et suivies entre 2003 et 2021 a été réalisée pour analyser l'incidence hebdomadaire et la phénologie de l'esca au fil des saisons, en utilisant un ensemble de modèles linéaires généralisés mixtes (GLMM) avec des approches fréquentistes. D'autre part, une étude sur 481 parcelles plantées avec 7 cépages et suivies sur la même période a permis d'explorer l'effet du climat en relation avec la phénologie de la vigne (calculs d'indicateurs écoclimatiques) sur l'incidence annuelle des symptômes, en utilisant des GLMM avec des approches bayésiennes reposant sur la méthode Integrated nested Laplace approximation (INLA). Ces approches complémentaires ont mis en évidence le rôle du climat dans l'incidence de l'esca à différents niveaux temporels (intra- et inter-annuelle).
A l'échelle intra-annuelle, nos résultats suggèrent qu'un climat plus chaud, dans les deux mois précédents l'expression, conduit à des symptômes d'esca plus précoces durant la saison, mais diminue la proportion de nouvelles vignes symptomatiques de l'escax x du fait d'une sécheresse printanière accrue et d'une forte corrélation positive entre les températures au printemps et le VPD (déficit de vapeur d'eau). A l'échelle inter-annuelle, nos résultats suggèrent que le climat pendant la saison de croissance et les périodes d'expression des symptômes foliaires ont fortement influencé l'incidence annuelle de l'esca des différents cépages étudiés, en particulier la température moyenne, la disponibilité en eau du sol, l'évapotranspiration et le VPD. Ces résultats offrent des perspectives intéressantes pour mieux appréhender les interactions tripartites entre plantes, climat et maladies. Ils permettront de mieux anticiper le risque de dépérissement dans les décennies à venir.
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