La gestion des prises accidentelles d'espèces protégées dans les engins de pêche est un enjeu majeur pour atteindre les objectifs de la Stratégie de l'Union Européenne en faveur de la biodiversité à horizon 2030. Les statistiques des prélèvements réalisés ne sont, en général, pas fiables car non-systématiques, ou issues d'échantillons non-représentatifs. Les données de prélèvements concernant les espèces protégées sont donc très parcellaires et biaisées, ce qui complique l'évaluation de la soutenabilité des activités humaines. Toutes les espèces de cétacés sont protégées au niveau national et européen ; néanmoins celles-ci sont aussi impactées par les captures accidentelles. C'est le cas du dauphin commun (Delphinus delphis) dans le Golfe de Gascogne, dont les manquements en matière de protection valent aujourd'hui à la France une mise en demeure de la Commission Européenne et à l'Etat un arrêté de fermeture des pêcheries à risque pendant un mois durant l'hiver 2024 ordonnée par le Conseil d'Etat.
Un outil important pour gérer les impacts des pêcheries est le calcul de points de référence limites, aussi appelé seuils de prélèvements au-delà desquels la viabilité à long terme des populations impactées n'est plus garantie. Le calcul de tels seuils repose sur une méthodologie mise en place par la Commission Baleinière Internationale (CBI) au cours des années 1990 et qui reposent sur la simulation numérique de populations virtuelles soumises à des prélèvements dont l'ampleur est déterminée par une règle de gestion. Ces règles de gestion pour calculer les seuils sont évaluées dans un panel de scénarios pour évaluer la robustesse de ceux-ci à divers cas de figures dont des biais dans les données (sous-estimation des prélèvements par sous-déclaration, etc.). Deux règles sont actuellement utilisées : le PBR ("Potentiel Biological Removal") tel que défini dans la loi états-unienne sur la protection des mammifères marins ; et le RLA ("Removals Limit Algorithm") inspiré des travaux de la CBI. Ces deux règles reposent néanmoins sur un paramètre en général inconnu pour de nombreuses espèces (dont le dauphin commun).
Nous avons développé un modèle stochastique dit de "sur-production", modèle couramment utilisé en halieutique pour calculer des points de références ou des quotas pour des espèces exploitées. Ce modèle paramétrique reste simple (4 paramètres à estimer) et est informé par les prélèvements et l'abondance estimées d'une espèce pour calculer un taux de prélèvement (en pourcentage de l'abondance) compatible avec la viabilité à long-terme d'une population. Néanmoins, il fait une hypothèse restrictive de stationnarité des prélèvements qui n'est pas réaliste : la gestion doit précisément amener à des taux non-stationnaires puisqu'un objectif de restauration de la biodiversité est de minimiser au cours de temps les captures accidentelles. Nous proposons une approche de vraisemblance pondérée pour s'accommoder de cette non-stationnarité. Au travers d'une étude de simulations, nous montrons comment notre modèle conduit à une règle de gestion compatible avec les ambitions actuelles de conservation, notamment celle de minimiser l'impact des activités humaines sur les espèces protégées, dauphins inclus.
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